Qui est ^Leo
'T-'ihdeMans f
En dehors de la Belgique, Léo TINDE-
MANS apparait. comme l'homme politi-
que belge qui a obtenu le beau score
de quelque .900.000 voix lors des élections
européennes de 1979. Appartenant
au parti social-chrétien (CVP) depuis
1947, TINDEMANS a été promu prési-
dent du PPE (Parti Populaire Européen),
une formation regroupant tous les
démocrates-chrétiens, ailes gauche
et droite confondues, du Bénélux,
de la RFA et d’Italie. Cette promotion
fut pour lui le couronnement d'une
carrière politique axée essentiellement
sur la défense d'une idéologie à la
fois catholique, atlantiste, occidenta-
liste et anti-communiste.
Catholique, TINDEMANS s'inscrit
dans la tradition d'une défense de
l'Occident chrétien contre le "paganisme
bolchévique". Cette option implique
un culte des institutions communautaires
européennes, culte que les mauvaises
langues qualifient volontiers de "féti-
chiste" et de "mono maniaque" et aussi
une adhésion aux principes de cette
construction de l'Europe, entreprise
jadis par les Catholiques SCHUMAN,
ADENAUER et de GASPERI.
TINDEMANS, conférencier apprécié
de l'annuel Deutscher Katholikentag,
se situe à l’intersection de deux visions
de l'Europe: celle qui réduit notre
continent au "noyau carolingien " et
aux seuls Etats membres de la CEE
et celle qui vise, à long terme, l'unité
de tous les catholiques d'Europe Centra-
le (Polonais, Autrichiens, Hongrois,
Tchèques, etc.). Comme le Bavarois
STRAUSS, TINDEMANS utilise tantôt
les arguments propres à la première
vision, tantôt ceux relevant de la secon-
de. Mais son Europe doit s'effectuer
sous la protection de la puissance
nucléaire que constituent les Etats-
Unis. C'est, là la contradiction majeure
de ce discours: jamais les Etats-Unis
n'accepteront un bloc européen fort,
uni et puissant.
Quant aux Scandinaves et aux Soviéti-
ques (maîtres, selon la terminologie
utilisée par TOYNBEE, du territoire
de la chrétienté orthodoxe), ils se
sentent profondément étrangers à
ce discours "carolingien" rénové. Une
Europe peut-elle se construire sans
les apports Scandinave et russe ? Les
évidences géographiques et historiques
nous obligent à répondre à cette question
par la négative. Le programme du
PPE n'a finalement rien de "populaire"
(il s'est conçu dans des cénacles catholi-
ques fermés) ni d'"européen" (puisqu'il
fait abstraction du mental de plus
de 60% d'Européens et ne retient
pas l'importance des territoires Scandina-
ve et russo-sibérien pour l'avenir et
la sécurité de l'Europe). Pour l'aile
du PPE à laquelle appartient TINDE-
MANS, l'éthique de la conviction,
c'est-à-dire les mirages de l'idéologie,
prime l'éthique de la responsabilité,
le pragmatisme concret. C'est aussi,
curieusement, le reproche majeur
que l’actuel premier ministre belge,
Wilfried MARTENS, faisait à certaines
fractions de son parti, le CVP, en
1972, soulignant, dans la même foulée,
les dangers du "cléricalisme militant"!
L'affaire Pégard, qui continue à sévir,
est peut-être le meilleur exemple
des errements politiques de l'atlanto-
catholicisme.
SUPPLEMENT à la REVUE ORIENTATIONS Numéro 8 août-septembre 1989
Pegard et le disciple de ”Dear Henry”
Il est symptomatique qu’un pays comme
la Belgique ait choisi comme date de
sa fête nationale, le 21 juillet, date
anniversaire de la prestation de serment
d'un roi étranger. Pourtant, la plupart
des autres pays ont opté pour la date
réelle ou symbolique de leur indépen-
dance. Aussi, il eût été normal que
l'on choisisse le 25 août, date commémo-
rative du soulèvement de 1830, lorsque
le ténor La Feuilladc entonna à la
Monnaie, le refrain célèbre de la "Muette
de Portici" d'Auber qui permit à la
Caricature de Royer dans Le Soir
du 11/12-8-84. Face aux diplomaties
belge et européenne démissionnaires,
Reagan peut à loisir jouer un rôle
de policier de l’économie occidentale.
bourgeoisie belge de bouter dehors
les Orangistes.
La Belgique, nation artificielle, issue
de la conjonction du Congrès de Vienne
(le "Yalta" du XIXe siècle) et des inté-
rêts des bourgeoisies anversoises, bruxel-
loises et liégeoises, n'a guère montré
à travers son histoire, une réelle volonté
d'indépendance, du moins au niveau
de sa classe dirigeante, sauf à deux
exceptions, lors de la bataille de l'Yser
en 1919 et par la politique de neutralité
qui a précédé la seconde guerre mondiale.
Aujourd'hui, la Belgique est considérée
comme le pays dont la diplomatie est
la plus alignée sur les U. S. A. dans
le cadre de l'Alliance atlantique.
L'affaire Pégard s'inscrit dans ce con-
texte. Elle a déclenché un tel coup
de tonnerre dans l'opinion publique
que bien des yeux se sont ouverts.
Et pour la première fois depuis long-
temps, des responsables politiques,
économiques et sociaux belges ont
adopté de très fermes positions en
matière de diplomatie, domaine jusqu'à
présent strictement réservé au gouver-
nement. C'est en soi un événement
qui, au-delà du drame que vit l'entreprise
Pégard et ses travailleurs, aura des
conséquences incalculables. Et nous
ne pouvons que nous en réjouir.
Que s'est-il donc passé ?
Au début de l'année 1983, les Soviétiques
ont commandé à la firme Pégard, manu-
facture de machines-outil d'Andenne,
petite ville mosane située à quelques
encablures de Namur, une aléseuse-
fraiseuse de 102 millions de francs
belges (environ 15 millions de FF). Cette
commande s'inscrit dans un marché
beaucoup plus vaste qui porte sur un
milliard de francs belges (150 millions
de FF). La Société Pégard est contrôlée
par le groupe ouest-allemand Voith
et par la Société Nationale d'investisse-
ment (S.N.I.) - holding public de l'Etat
belge - qui y détient quelque 30 %
du capital. Tout le monde s'était réjoui
N à l'époque, de cette commande, car
Pégard connaissait de graves difficultés
comme la plupart des entreprises métal-
lurgiques du bassin mosan. De plus,
la région d'Andenne est particulièrement
touchée par la crise.
A la fin de l'année 83, les difficultés
commencèrent. La licence d'exportation
qui doit être accordée par le Ministre
des relations extérieures, n'est toujours
pas accordée à Pégard alors que la
fabrication de l'aléseuse-fraiseuse est
largement entamée. Une délégation
composée de la direction et des délégués
syndicaux de l'entreprise s'est présentée
auprès du Ministre des relations exté-
rieures, Léo Tindemans, chrétien flamand
et ancien Premier Ministre. Il a émis
de vagues promesses et a assuré les
représentants de Pégard qu'il a rencontré
récemment le secrétaire d'Etat améri-
cain Schultz pour l'entretenir de ce
problème. On a appris par après que
Tindemans a même été voir Schultz
jusque dans ... sa chambre d'hôtel '.
Qu'a donc à voir Schultz avec un accord
commercial entre une firme belge et
l'U.R.S.S. ?
La Belgique fait partie de l'Alliance
atlantique et s'est systématiquement
alignée sur les prises de position améri-
caines en matière de défense et de
relations Est-Ouest. Contrairement
à d'autres partenaires de l'Alliance,
la Belgique a été la plus prompte à
accepter l'installation des euromissiles
sur son territoire, malgré une opposition
très importante de l'opinion publique.
Aussi, que Tindemans ait accepté ce
nouveau diktat de l'Administration
Les rebondissements de l'affaire Pégard n'ont pas encore cessé d'alimenter les chroni-
ques. Après les prémisses de l'affaire, relatées par notre collaborateur George Robert,
la Belgique a décidé de livrer cinq aléseuses-fraiseuses à l'URSS. Les Américains refusent
alors leurs remboursements compensatoires puis acceptent pour tergiverser encore ;
Leur objectif réel est de ruiner tout commerce inter-européen.
américaine n’est pas étonnant. Et cela
s’inscrit dans un contexte beaucoup
plus large qui touche tous les pays.
Depuis l'arrivée de Reagan au pouvoir
en 1980, un organisme "officieux" insti-
tué en 1949, en pleine guerre froide,
chargé de contrôler les exportations
de technologies vers les pays du bloc
soviétique qui avait été mis en veilleuse
lors de la "détente", a été réanimé.
Cet organisme appelé "Comité de coordi-
nation pour le contrôle multinational
des exportations (COCOM) composé
de délégués de chaque pays de l'Alliance
atlantique plus le Japon, moins l'Espagne
et l'Islande, n'est fondé sur aucun traité
de droit international.
Et c'est cela qui est ahurissant '. Dans
notre droit, il y a ce qu'on appelle
la "hiérarchie des normes". Une loi
nationale prime une ordonnance locale,
une disposition d'ordre public prévaut
une convention privée. De même, une
disposition de droit international sup-
plante une loi nationale. C'est ainsi
que la CEE fait régulièrement pour-
suivre des Etats-membres pour non
respect de conventions existantes dans
les traités instituant la Communauté
européenne. Mais cela n'est valable
que si les Traités en question ont été
ratifiés par les assemblées parlemen-
taires des pays signataires; autrement
dit que ces Traités aient force de loi
au sein des Etats signataires.
Or, le fameux COCOM n'est pas un
organe prévu par le Traité de l'Atlan-
tique Nord qui a institué l'Alliance
atlantique. Il s'agit donc d'un organisme
officieux et illégal qui impose malgré
tout, ses diktats aux membres de l'Al-
liance.
De plus, sa composition est tenue se-
crète, ses notifications ne sont pas
motivées et sont sans possibilité d'appel
(aucune cour de Justice ne peut trancher
un litige entre le COCOM et un Etat
ou une personne physique ou morale
appartenant à cet Etat). C'est le vide
juridique le plus complet qui préside
notre commerce extérieur.
Il faut ajouter que le COCOM est en
fait entièrement lié aux volontés de
l'Administration américaine et plus
spécialement à celles du Pentagone.
Il dicte des normes technologiques
aux industries exportatrices des pays
membres de l'Alliance atlantique.
La Belgique n'est d'ailleurs pas la seule
"victime" des diktats du COCOM. En
France, la firme électronique THOMSON
a des ennuis pour la livraison à la Bulga-
rie, d'un central téléphonique de haute
technologie. Le Ministre ouest-allemand
de l'économie, M. Martin Bangemann,
a mis en garde les U. S. A. contre de
nouvelles restrictions américaines à
l'égard du transfert de technologies
de la R. F. A. vers l'Est.
Cette succession de conflits s'inscrit
en fait dans le contexte de la politique
commerciale des Etats-Unis, qui se
montre de plus en plus agressive. Non
contents d’avoir sorti le COCOM des
limbes, les dirigeants américains sou-
haitent faire reviser leur loi sur le
commerce extérieur dite "Export Admi-
nistration Act" en interdisant l'expor-
tation vers l'Est à toutes les filiales
de sociétés américaines installées à
l'étranger, ainsi qu'à toute société
non américaine possédant une licence
US.
Par ce biais, les Américains parviennent
à imposer leur loi à l'étranger ! Et
ce n'est pas tout. Le même gouverne-
ment US a décidé de limiter les impor-
tations de produits textiles. Ce qui
pose de graves problèmes à de nombreux
pays du Tiers-monde, spécialement
à l'Amérique latine. Ces derniers ont
d'ailleurs demandé une réunion d’urgence
du GATT (accord commercial interna-
tional placé sous l'égide de l'O.N.U).
Cette réunion s'est soldée par une
condamnation des Etats-Unis. A part
cela, les "reaganomics" prônent le libre-
échangisme '.
Les Etats-Unis forts de leur dollar
artificiellement gonflé, de leurs taux
d'intérêts usuraires, d'un déficit budgé-
taire en fait payé par les autres, n'hé-
sitent dès lors pas à commettre un
véritable acte de guerre à l'égard de
l'Europe et du Tiers-monde en matière
de commerce. Autrefois, les blocus
étaient causes de guerre. Aujourd'hui,
bien sûr, l'US Navy n'empêche pas
la circulation maritime, comme la
Royal Navy le faisait du temps de
Napoléon. Cependant, les mesures amé-
ricaines actuelles sont bien plus- dange-
reuses et efficaces que les canonnières
d'antan.
Et puis, les Américains peuvent compter
dans nos pays sur de féaux serviteurs.
Tindemans en est un. Sur base d'un
rapport de la CIA qu'il n'a évidemment
pu divulguer, "l'ayatollah d'Edegem"
n'a pas hésité à déclarer que l'aléseuse
fraiseuse de Pégard servirait à la fabri-
cation des SS 20 soviétiques '. Puis,
nouvelle version, cette machine servi-
rait à la construction des silos de fusées
(qui ne nécessitent aucune technologie
de pointe 1).
Malgré ces déclarations contradictoires,
la licence d'exportation est refusée
à Pégard, le 21 juillet dernier. Ce veto
du gouvernement belge compromet
tout le marché promis à Pégard par
les Soviétiques. Aussi, le groupe alle-
mand Voith décide de retirer ses billes
de Pégard et demande le concordat
(1) au Tribunal de Commerce de Namur,
d'autant plus que les banques refusent
tout crédit supplémentaire à Pégard.
Le gouvernement belge, sous la pression
des ministres francophones - en Belgique,
tout problème doit prendre une allure
linguistique - a demandé à l’association
Vinçotte, un bureau d'expertise tech-
nique, de rédiger un rapport sur l'éven-
tuelle utilisation militaire de l'aléseuse-
fraiseuse.
Le rapport indique que la machine
en question, ne contient aucun élément
technologique qualifiable de "straté-
gique" et est en outre accompagné
d'une liste d'entreprises européennes
exportant du matériel de même nature
vers les pays de l'Est.
Tindemans et son collègue des affaires
économiques, Mark Eyskens, décident
de prendre contact avec le gouverne-
ment américain (encore 1) pour lui
soumettre le rapport Vinçotte. De nou-
veau la carpette !
Pour Pégard, c'en est trop. La direction
de l'usine rappelle qu'à la suite d'une
note du COCOM, elle avait fait modi-
fier certaines caractéristiques tech-
niques de l'aléseuse-fraiseuse en 1983
pour être conforme aux normes COCOM.
Un nouveau pavé dans la mare '.
Tindemans est plus que gêné. Dans
une interview accordée au quotidien
Le SOIR du 6 août, notre Ministre
des affaires américaines (pardon 1 étran-
gères) essaie de se justifier par l'exis-
tence d'un manque de coordination
au sein de son propre gouvernement
et de son administration. Et encore
une gaffe, une '.
Les fonctionnaires, piqués au vif, répli-
quent à Tindemans qu'il n'avait pas
à demander l'avis du COCOM sur la
machine de Pégard.
Quant aux Américains qui nè sont jamais
pris de court à l'égard de leurs vassaux,
ils déclarent que si, technologiquement,
la machine est inoffensive, l'utilisateur
final en U.R.S.S. empêche son exporta-
tion. Retour à la case départ 1
La suite, comme histoire belge, Coluche
n'aurait pu l'inventer. Le 10 août,
le gouvernement décide de faire acheter
la machine de Pégard par ... l’armée
belge qui dispose d'un crédit de 60
millions de FB pour son équipement
en outillage. Les Américains s'engagent
*
à payer le solde de 42 millions 1 Le
ridicule ne fraise plus 1
Pour Regard, par contre, rien n'est
résolu. Le Tribunal de Commerce est
favorable au concordat mais le principal
actionnaire est parti, la publicité faite
autour de cette affaire a très sérieuse-
ment entamé le crédit de cette entre-
prise. Il est plus que probable, qu'en
représailles, les Soviétiques lâcheront
le marché de 900 millions. Mais qu'à
cela ne tienne '. Les Américains se
déclarent intéressés par une prise de
participation dans Pégard. Et voilà
le travail '.
Les Américains exportent sans vergogne
leurs technologies vers l'U.R.S.S., parfois
par l’intermédiaire de pays neutres
comme la Suède et l'Autriche. Ainsi,
ITT s'apprête à vendre un central télé-
phonique du tout dernier cri à la Tchécos-
lovaquie.
Gageons que l'affaire Pégard a servi
de test aux Américains et d'avertisse-
ment lancé aux Européens: "La technolo-
gie de pointe et ses marchés industriels
c'est à nous, les Américains. Et si
vos entreprises s'obstinent à vouloir
poursuivre leurs marchés avec l'Est,
eh bien, nous les ruinerons ou nous
nous les approprierons avec l'aide de
vos gouvernements vassaux. Thank
you dear Léo Tindemans, you made
a good job for us l"
Le seul élément positif dans cette
lamentable affaire, est la prise de
conscience qu'elle aura suscitée dans
la population et dans une partie de
la classe politique, essentiellement
chez des socialistes wallons comme
la député européen, Anne-Marie LIZIN
et le bourgmestre d'Andenne, M. Claude
ERDEKENS qui n'a pas hésité à renvoyer
sa carte d'identité à Tindemans au
risque de compromettre sa carrière
politique. Nous lui laisserons la conclu-
sion: "L'envahisseur a changé en 70
ans et le massacre, de physique, est
devenu économique. Voilà pourquoi,
face à ceux qui se sont battus pour
que vive ce pays, je n’ai pas honte
d’avoir renvoyé ma carte de Belge
(...) Cette tentative est déplorable.
L'avenir pour nous, ne pourra qu'être
wallon dans une Europe des régions".
Bravo camarade Pourvu que vous
gardiez pareils lucidité et courage
lorsque vous reviendrez aux affaires.
Georges ROBERT
NOTE
(I) Il ne faut pas confondre faillite
et concordat. Le concordat est un juge-
ment qui permet la poursuite des ac-
tivités d'une entreprise avec l'accord
de tous ses créanciers et sous le con-
trôle d'un juge commissaire nommé
par le Tribunal de Commerce, tandis
que la faillite est la mise sous tutelle
d'une entreprise par un curateur désigné
par le Tribunal accompagné de l'exclu-
sion des dirigeants et propriétaires
de l'entreprise de toute responsabilité
dans la gestion.
VOCABULAIRE
INDIVIDUALISME
"Mentalité, introduite dans la civilisation
occidentale, par le judéo-christianisme,
selon laquelle l'homme individuel abstrait
vaut plus que ses appartenances et
constitue l'élément de base de l'espèce,
avant toute communauté".
L'individu chrétien est "hors du monde",
isolé face au Dieu-Père qui le dévalue
et peut seul lui accorder le salut. De
là découle aussi l'égalitarisme. Les
idéologies occidentales transposeront
dans le social et dans l'histoire (laïcisa-
tion) cette individualisation de l'humani-
té. D'où destruction des organicismes,
atomisation des sociétés par l'Etat
et constitution de masses qui sont
la contrepartie de l'individualisme.
L'homo oeconomicus libéral, le "prolétai-
re" des marxistes, T'être humain" de
l'idéologie des droits de l'Homme,
sont des conséquences de cet individua-
lisme qui, autant que l'égalitarisme
et le rationalisme socio-politique, carac-
térise la société et la conception-du-
monde dominantes. A l'individualisme,
il faut opposer le holisme dans lequel
la personnalité est mise en valeur par
sa communauté et son peuple, et échappe
au narcissisme comme à l'isolement.
Dans la perspective holiste, l'homme
se réalise pleinement et trouve son
épanouissement dans et par le service
de sa communauté.
EM ri RE
"Conception d'organisation de la politique
et de la souveraineté conforme à des
principes organiques, conciliant à la
fois la puissance unifiante de la fonction
souveraine et la diversité vivante de
la société, de la culture, de l'économie
et de l'espace".
L'Empire tout à la fois transcende
et garantit les diversités.
L'Empire est pour nous à la fois un
mythe à regénérer et à appliquer à
l'Europe à partir des exemples délien,
romain, germanique, et une philosophie
politique et géopolitique. Mais nous
n'entendons pas en faire une utopie
en le réduisant à une description institu-
tionnelle ou à un programme. Notre
vision impériale comporte trois axes:
1) L'Empire unifie autour de la fonction
première de toute société équilibrée,
la fonction de souveraineté, ce qui
relève de l'essence du politique et
de la conscience historique donc du
destin; pour le reste, il préserve la
diversité de toutes les autres fonctions,
des institutions, etc, qui n'ont pas
d'incidence dans ces deux domaines.
L'Empire fédère mais n'homogénéise
pas.
2) En deuxième lieu, son existence
ne se justifie que par la recherche
de la puissance et de la grandeur cultu-
relles et historiques des nations qu'il
rassemble en un même peuple. En revan-
che, ce qui relève du bien-être et du
"social" regarde les institutions propres
des nations mais pas de l'instance impé-
riale.
3) En troisième lieu, l'Empire est univer-
sel mais pas universaliste, puisque les
nations qui le constituent, dans notre
conception tout au moins, n'ont pas
vocation à s'étendre à tous les peuples
de la Terre, ni territorialement ni
ethniquement. En ce sens, l'Empire
n'est pas républicain, au sens français
ou américain, et se distingue du système
occidental actuel qui entend, au contrai-
re, inclure et homogénéiser tous les
peuples. L'Empire, selon notre concep-
tion, n'inclut et ne prend en charge
le destin que des seules nations qui
peuvent, historiquement, ethniquement
et culturellement, se dire et se sentir
parties du même peuple. Nous pensons
que ce "sentiment" est historialemcnt
fondé à surgir en Europe, Est et Ouest
unis/réunis. Une Europe dont les "nations-
Etats", au sens des idéologies actuelle-
ment dominantes, ne nous semblent
pas légitimes, telles qu'elles sont aujour-
d'hui dessinées. Historiquement, la
notion d'Empire a toujours eu contre
elle le pouvoir théocratique et le pouvoir
marchand (l'un et l'autre foncièrement
cosmopolites). Nous voulons, aujourd’hui,
la reprendre à notre compte, en lui
donnant le sens de mouvement que
lui conférait déjà MOELLER van den
BRUCK.
NATION
"Concept qui, de notre point de vue,
comprend deux acceptions, l'une positi-
ve, l'autre négative. Dans le premier
cas, la nation regrou *e les natifs et
les héritiers d'un peuple: elle est,
davantage que la "société", l'objet
du politique et doit s'entendre comme
le "peuple mis en mouvement", construi-
sant son histoire, dans la recherche
de la puissance et de l'identité. Cette
notion est partiellement véhiculée
par le rousseauisme et la philosophie
politique française; mais ces derniers,
dans leur ambiguïté, ont aussi conçu
la nation comme échelon d'une société
mondiale, comme "département" d'une
planète politiquement rationalisée.
Aujourd'hui, le système occidental
est fondé sur cette idéologie des na-
tions, qui s'oppose à celle de l'Empire
(Cf. supra), et qui neutralise les peuples
en les normalisant dans des nations
"égales" qui ne sont plus, à la limite,
que des coquilles vides, des cadres
dépourvus de sens historique".
Nous adressons toutes nos excuses
à nos lecteurs pour le retard de ce
numéro de VOULOIR. La parution
d'ORIENTATIONS (n°5), fin septembre
1984, a engorgé les machines de notre
imprimeur. Nous vous invitons à lire
cette livraison d'ORIENTATIONS (ren-
seignements p. 1 2). VOULOIR n°9 contien-
dra une analyse du premier roman
de Bernard- Henri LEVY (BIIL pour
les fans), un article du Général-Major
e.r. de la Bundeswehr, Jochen LISSER
sur l'impérieuse nécessité historique
de créer une Europe Centrale neutre ,
un dossier sur le libéralisme et les
recensions habituelles.
4
I
NOUS AVONS LU ...
NATIONALISME CORSE
L'idée nationaliste, au vieux sens herdé-
rien et charnel du terme, semble être
redevenue idée neuve en Europe. Face
aux Etats-Nations qui prétendent con-
fisquer le "nationalisme" à leur seul
profit, niant toute forme d'identité
aux minorités ethniques, qui, finalement,
composent la majorité des citoyens,
et face au refus des gouvernants de
reconnaître à ces derniers tout droit
à la différence, à une spécificité nationa-
le, tant sur le plan politique que sur
le plan culturel, certains mouvements
de revendication nationale se sont
développés dans le cadre historique
des Etats européens.
Le cas de la Corse est à cet égard
exemplaire dans le pays qui a enfanté
le jacobinisme et tous ses excès. La
République Française, "une et indivisi-
ble", n'est pas très patiente avec tous
ceux qui osent affirmer leurs identités
propres et rappeler que leurs racines
ne sont pas obligatoirement celles
reconnues par les "autorités" officiel-
les. José GIL nous propose une analyse
historique et ethnologique du nationa-
lisme corse. Par une étude précise
et souvent surprenante des structures
politiques et des dynamiques propres
à l'I le de Corse, il construit patiemment
les fils qui nous permettent de renouer
avec l'histoire de la Corse. Son explica-
tion de la Constitution paoline du XVlIIè-
me siècle est pertinente. GIL révèle
également le pourquoi et l'origine d'une
violence souvent jugée consubstantielle
aux traditions insulaires.
Par une analyse attentive des strates
structurelles de la société corse (famille,
village, communauté populaire, ...),
il définit la dynamique déterminante
de la société corse. Sa démonstration
du rôle des "clans", constituant à la
fois une structure coloniale et autochto-
ne, groupements au service de leurs
intérêts propres, en même temps adver-
saires et complices du pouvoir parisien,
est un modèle du genre. Il souligne
aussi avec un rare bonheur l'attachement
charnel et spirituel de tous les Corses
à la terre de leurs ancêtres, au petit
coin de village où reposent les morts
de la lignée, au terroir où s'enracine
un sentiment patriotique. Il écrit: "Qui
n'a pas compris l'attachement déraison-
nable des Corses pour leur Ile, et tel-
lement fou qu'il apporte raison et sens
absolus à leur existence, ne comprendra
jamais rien a leur existence" (p. 14).
En résumé, un livre a lire, pour ne
pas s'arrêter aux apparences véhiculées
par les grands médias aseptisés, pour
aller au fond des choses...
A.S.
José GIL, La Corse entre la Liberté
et la Terreur, Editions de la Différence,
Paris, 1984, 98 FF.
WALLONS ET FLAMANDS
Avant la guerre, l'Abbé GANTOIS,
chef spirituel des "Flamands de France",
avait écrit, sous le pseudonyme de
H. VAN BYLEVELD, un livre intitulé
Jusqu’oïl s'étendent en France les Pays-
Bas ? Cet ouvrage retraçait l'histoire
ethnographique de la pénétration en
Flandre Méridionale (devenue française
au XVIIème siècle), en Artois et en
Picardie de populations flamandes.
Maurits CAILLIAU, Président de l'Oranjc-
jeugd et co-éditeur d'une remarquable
publication, le Zannekin Jaarbock (Cf.
VOULOIR n°5), se penche, lui, sur
la Wallonie, c'est-à-dire sur l'espace
déclaré aujourd'hui francophone au
sein de l'Etat belge. Maurits CAILLIAU,
défenseur d'une Europe des ethnies,
estime que la politique politicienne
belge souffre des "terribles simplifica-
teurs" et que le dualisme régionaliste,
opposant les Flamands aux Wallons,
n'est pas, à la lumière de l'histoire,
aussi manichéen. Cette "simplification"
est due, essentiellement, à une confu-
sion des concepts, dont les autorités
belges officielles et, par réaction,
certains nationalistes flamands sont
responsables. L'historiographie belge
ne tient compte ni de l'appartenance
pluriséculaire des provinces wallonnes
au Saint-Empire ni du fait que le fran-
çais de Paris n'a jamais, jusqu'il y
a peu, été la langue quotidienne des
Wallons. Les thèses les plus simplistes
du nationalisme flamand, elles, postulent
que la Wallonie est un "morceau de
France" (voire de l'abstraction "Franci-
té") alors que son histoire est même
plus étrangère à la France que celle
du puissant Comté de Flandre. Des
humoristes pourraient même affirmer
que ces nationalistes-là sont des alliés
objectifs de l'impérialisme français,
en voulant jeter les seize mille kilomè-
tres carré de territoire wallon dans
le giron parisien, laissant alors la frontiè-
res méridionale de l'espace linguistique
néerlandais sans zone intermédiaire
face à la France.
Ces deux historiographies, que critique
CAILLIAU, commettent l'erreur de
ne juçer l'histoire qu'à partir des seules
frontières belges de 1830. Ces frontières
sont artificielles, écrit-il, et ne permet-
tent pas de juger les événements histori-
ques en dehors d'un espace chronologi-
que très restreint. Du point de vue
linguistique, la région wallonne n'est
pas homogène. A Tournai, on parle
un dialecte picard, en Gaume, un dialec-
te lorrain et à Arlon, le substrat lingui-
stique est "francique-mosellan" (mosel-
frankisch"). En revanche, dans l'enclave
de Givet et dans la région de Maubeuge,
le Wallon déborde l'actuelle frontière
belge.
Mais le point de contact entre Flamands
et Wallons, depuis la constitution du
Burgundischer Kreis dans le Saint-Empi-
re, reste l'échange des populations.
Au Moyen Age, les villes et les cam-
pagnes thioises sont nettement plus
peuplées que les régions wallonnes,
plus rurales. Ce déséquilibre démographi-
que est resté palpable jusqu'à nos jours.
Maurits CAILLIAU étudie l'émigration
des Flamands vers la Wallonie depuis
1830, année où, par la création de
l'Etat belge, les industries textiles
flamandes perdent leurs débouchés
en Hollande et dans les Indes néerlandai-
ses (Indonésie). Les ouvriers de ces
industries furent contraints d'émigrer
vers la Wallonie ou vers le Nord de
la France, ce qui favorisa le textile
à Lille, Tourcoing et Roubaix, villes
jouissant de l'hinterland français. Les
famines de 1840 à 1846 provoquèrent
l'émigration en Wallonie, en France
et en Amérique de paysans flamands.
Pour quantité d'autres motifs, comme
le boom industriel wallon du XIXème
siècle, cette émigration flamande durera
jusqu'en 1969. Quel fut le nombre exact
de ces immigrés ? Personne ne le sait
et aucune statistique officielle n'en
fait état. CAILLIAU tente, au départ
de quelques documents locaux de Flandre
comme de Wallonie, de déterminer
le pourcentage de la population de
souche flamande dans les villes industriel-
les de Wallonie ou au sein des catégories
sociales vivant de l'agriculture. Les
chiffres varient entre 15 et 70% (La
Louvière). C'est la Flandre Occidentale
qui a fourni le plus gros contingent
d'émigrés (42% du total entre 1946
et 1957) et le Hainaut qui en a accueilli
le plus grand nombre (62%).
Au total, la population actuelle de
Wallonie se compose de +_ 1.500.000
Wallons de souche, de _+ 1.500.000 Fla-
mands wallonisés, de +_ 400.000 étrangers
récemment immigrés et de _+ 50.000
Flamands de la première ou de la deuxiè-
me génération qui parlent encore leur
langue à des degrés divers. En insistant
sur ces chiffres, Maurits CAILLIAU
veut relativiser la démagogie qui prétend
rompre les ponts avec la Wallonie à
l'outil industriel vieilli et aux problèmes
sociaux quasi insolubles. Même d'un
point de vue flamand, CAILLIAU pense
qu'il s'agit là d'un manque de solidarité
avec les deux millions de Wallons de
souche flamande. L'origine ethnique
doit peser plus lourd que l'utilisation
d'une langue, facteur non héréditaire.
Outre cette proximité anthropologique,
il y a, écrit Maurits CAILLIAU, une
indéniable communauté de destin entre
les deux espaces, repérable dès le Haut
Moyen Age. La francisation de la Belgi-
que après 1830 n'a pas été le seul
fait de Wallons mais aussi de Flamands
francisés, francophiles par fidelité
aux idéaux de 1789 ou défenseurs de
la "civilisation latine" par catholicisme
ultramontain. D'autres sont restés
"flamands" d'esprit et d'esthétique
comme dans le monde littéraire, où
il suffit de se rappeler Vcrhaeren,
De Coster, Rodenbach, Van Lerberghe...
CAILLIAU conteste également l'affirma-
tion qui veut que ce sont les provinces
romanes les responsables et les bénéfi-
ciaires de 1830. Dans le Royaume-Uni
des Pays-Bas (1815-1830), le mouvement
pour la liberté de la presse, prélude
aux troubles de 1830, secouait non
seulement Liège, Verviers et Bruxelles
mais aussi toute la Hollande, la Frise
et la Province de Gueldre. Par ailleurs,
les "francophones" de 1830 ne se sen-
taient pas minorisés en tant que "Belges"
mais en tant que "Catholiques" soumis
à une monarchie protestante. Les diver-
ses pétitions adressées au roi Guillaume
1er, demandant plus de latitude dans
l'emploi du français, venaient aussi
de Rotterdam, Nimègue et Utrecht.
Sont-ce les fruits tardifs de la fascina-
tion exercée par Versailles en Europe
du Nord ?
En conclusion, CAILLIAU précise que
la querelle linguistique belge est issue
du système unitaire et unitariste de
modèle français, imposé à nos régions
en dépit de ses traditions politiques
qui sont foncièrement fédéralistes
à la manière suisse. L'histoire en té-
moigne. Nous concluerons donc: seule
une "cantonalisation" de la Belgique
et des Pays-Bas, faisant fi des actuelles
provinces dessinées en 1795 par les
Jacobins français, engendrera la paix
linguistique, sans léser ni les Wallons
ni les Flamands et sans créer de zones
"bilingues", artificielles et hybrides.
S. H.
Maurits CAILLIAU, Met Walenland
en de Nederlanden, Uitgave Oranjejeugd,
Malle, 1984, 32 blz.
Cette brochure peut être commandée
à notre service librairie (compte BBL
n°310-00'19870-01) en versant la somme
de 100 FB + 20 F B (frais de port).
" MUT ZUR GESCHICHTE"
Existe-t-il une "névrose allemande"?
C'est la question que pose, dans l'un
de ses derniers ouvrages, Hellmut DI-
WALD, un historien allemand qui avait
déclenché une vaste polémique, en
1978, lors de la parution de son maître-
ouvrage, Geschichte der Dcutschen.
Cette "histoire des Allemands", éditée
par Propylaen Verlag (Berlin), a suscité
la colère des historiens conformistes
et l'enthousiasme du public (100.000
exemplaires de grand format et de
762 pages vendus en quatre moisi)*
DIWALD y réduisait à néant tous les
tabous de l'histoire allemande récente.
Dans Mut zur Geschichte ("Le courage
de vouloir faire l’histoire"), un ouvrage
paru en septembre 1983, DIWALD per-
siste à poser des questions provoquantes.
Depuis la perte de leur unité politique,
les Allemands subissent un processus
incessant de dénationalisation spirituelle
et, donc, de sortie de l'histoire. Il
règne, surtout en Allemagne Fédérale,
un culte de l'oubli. Or les nations ont
besoin de mémoire. Question vitale.
DIWALD adresse ses reproches aux
historiens ouest-allemands, réfugiés,
dit-il, dans "les tours d'ivoire des spéciali-
sations stériles". Les historiens, déplore
DIWALD, n' avancent plus cette vision
globale de l'histoire qui valorisait les
travaux de leurs prédécesseurs du XI Xè-
me siècle, comme RANKE ou ARNDT.
Leurs productions relèvent d'une carica-
ture de la science historique moderne.
En RDA, au contraire, les livres d'histoi-
re se comptent par milliers. L'historio-
graphie de la RDA, que l'on peut quali-
fier de globalisante, cherche, bien sûr,
à confirmer les dogmes marxistes,
mais elle a le mérite d'exister et,
surtout, d'avoir une volonté pédagogique.
Par le conflit Est-Ouest, que déplore
DIWALD, les Allemands de l'Ouest
en viennent à percevoir les Allemands
de l'Est comme des ennemis irréducti-
bles. Cet situation rappelle la Guerre
de Trente Ans, théâtre d'une lutte
fratricide entre Protestants et Catholi-
ques. Cette césure est d'autant plus
déplorable que tous les Allemands,
qu'ils soient de l'Est ou de l'Ouest,
risquent d'être les victimes d'une guerre
nucléaire limitée à l'Europe. Cette
inquiétante perspective devrait rappro-
cher les Allemands de façon à ce qu'un
habitant de Stuttgart se sente plus
proche d'un marxiste de Leipzig que
d'un démocrate ou d'un républicain
de Dallas ou de Washington.
Ces propos hétérodoxes sur le destin
des deux Allemagnes ne constituent
pas l'unique intérêt de Mut zur Geschich-
te. En effet, il existe bel et bien une
approche diwaldienne de l'histoire.
Dès Geschichte der Deutschen, DIWALD
a inauguré une méthode: celle de la
chronologie inversée. Dans Mut zur
Geschichte, il explique quel est l'intérêt
de cette méthode. Pour DIWALD, l'histoi-
re est et reste actualité. Le présent
est le fruit des décisions et des événe-
ments du passé. Pour reconstruire le
processus historique, il faut partir
de l'expérience vécue, interroger les
témoins des générations précédentes
et ainsi retrouver un regard sur l'histoi-
re non falsifié par les aléas du temps
présent.
Dans Mut zur Geschichte, DIWALD
critique le vocabulaire obsolète de
la politique politicienne actuelle. Premiè-
re cible de cette critique: la dichotomie
gauche/droite. Cette dichotomie de
vocabulaire s'est instaurée au XIXème
siècle, à la suite de la Révolution Françai-
se où la répartition des sièges à l'Assem-
blée Nationale se faisait selon un axe
gauche/droite. Depuis, les conservateurs
sont classés à droite, les sociaux-démo-
crates, socialistes et marxistes à gauche.
Pour les libéraux, ce mécanisme de
localisation ne fonctionne que maladroi-
tement car, de 1815 à 1848 (l'ère de
METTERNICH), les libéraux étaient
classés à gauche alors qu'aujourd'hui
la tendance serait de les situer à droite.
Quant aux Burschenschaf ten (corporations
d'étudiants), elles étaient considérées
comme nationalistes et libérales, donc
de "gauche". Aujourd'hui, elles sont
classées à "droite", du fait de leur
nationalisme. Et ce sont surtout les
termes "national" et "nationalisme"
qui posent un problème dans l'orbite
de cette dichotomie. Il y a 150 ans,
les tendances nationalistes étaient
classées à "l'extrême-gauche". Aujour-
d'hui, elles le sont à "l'extrême-droite",
sauf, parfois, pour les nationalismes
"régionaux" de Corse, du Pays Basque,
de Catalogne, d'Irlande, d'Erythréc,
des Saharouis, etc. Les groupuscules,
cénacles, clubs qui refusent cette dicho-
tomie apparaissent comme aberrants,
tant le schéma gauche/droite, commode
pour ceux qui ignorent ou veulent igno-
rer les méandres de l'histoire, a anéanti
l'évaluation critique des forces ou des
alternatives politiques. Ce schéma
cherche à figer une réalité fluide.
Un autre chapitre intéressant dans
Mut zur Geschichte est celui qui cherche
à situer la position de l'Allemagne
au centre du continent européen ("Tcils
Zcntrum, tcils Vakuum. Deutschland
im Mittelfeld Europas"). Pour le non-
Allemand, le miracle économique, la
prospérité industrielle de la RFA (aujour-
d'hui en déclin) semble exclure l'idée
d'un malaise allemand. C'est tomber
sous la séduction des apparences économi-
ques et consuméristes car les Allemands
d'aujourd'hui vivent dans une situation
historique et politique anormale, issue
des deux guerres mondiales et de l'inter-
prétation a posteriori de celles-ci,
vulgarisée en Occident;
DIWALD analyse aussi avec brio la
presse intellectuelle, la presse d'idée
de la République de Weimar. Entre
(î
1924 et 1929, dit-il, on peut réellement
parler d'un âge d'or de la pensée politico-
culturelle. Cet âge d'or, en l'occurence,
c'est, ici, le déchaînement éruptif
de tout un faisceau de potentialités
intellectuelles et artistiques, reflets
d'une extraordinaire créativité que
notre siècle finissant n'a plus jamais
revu. Cette richesse culturelle est
pourtant née à une époque où la politique
côtoyait le désastre, avec la crise de
1929 comme apothéose.
Pour DIWALD, les leçons de l'histoire
doivent aiguiser notre jugement sur
l'actualité. Les siècles précédents nous
ont légué une manière de concevoir
et de percevoir l'Etat: comme une
personne capable de prendre des déci-
sions en toute liberté, d’agir librement.
En fait, aucun Etat ne possède une
telle indépendance, même pas les Etats-
Unis ou l'Union Soviétique. La liberté
d'un Etat est toujours limitée par les
contraintes géographiques, économiques,
etc. (facteurs objectifs) et par les
traités, alliances, conventions, accords,
etc. (facteurs subjectifs). Mais ces
facteurs subjectifs ne limitent la souve-
raineté que parce qu'ils ont été choisis
librement comme cadre d'action. Ce
type de cadre d'action est rarement,
sinon jamais, définitif car aucune puissan-
ce, même grande, ne peut, à la longue,
accepter de vivre sous des clauses
qui en viennent à contrarier les intérêts
de la population. Les temps changent
et les traités doivent suivre ce processus.
Cette perspective souple, qui prend
en compte l'inéluctabilité du changement
dans le rapports de force, se retrouve
dans l'art de façonner des traités et,
finalement, dans la charte des Nations
Unies. Pourtant, cette perspective
souple, propre à la diplomatie européenne
du XVIIème au XIXème siècles, a subi
une première entorse de 1914 à 1918.
L'ennemi n'est plus, depuis, un "partenai-
re hostile" mais un "criminel". Cette
criminalisation de l’adversaire dérive
de l'industrialisation des affrontements
militaires, des tactiques et des straté-
gies, qui implique la guerre totale et
recèle les germes de Pcxtcrminisrne.
Hans cette optique, les causes de guerre
se muent en autant de "culpabilités".
Ces "culpabilités" sont amplifiées et
véhiculées par les propagandes et c'est,
en conséquence, au départ de ces amplifi-
cations et de ces exagérations que
se font les politiques apres les hostili-
tés.
Les conséquences de cette déqualifica-
tion morale de l'adversaire vaincu sont
incalculables. On peut citer l'exemple
de Versailles, dont les clauses étaient
inadmissibles pour les Allemands, les
Austro-Hongrois, les Turcs et, dans
un registre différent, les Russes. Certes,
admet D1WALO, une victoire des Empires
Centraux aurait sans doute instauré
une situation inverse, inadmissible pour
les Anglais et les Français. Quoi qu'il
en soit, après Versailles, la diplomatie
internationale a pris de mauvaises
habitudes. La dépréciation de l'adversaire
n'est pas toujours d'ordre moral; elle
est parfois d'ordre économique. Pour
autant que morale et économie soient
étroitement liées dans le mental puritain
américain. Ainsi, le diplomate américain
Joseph C. GREW qualifiait l'axe Rome-
Berlm-Tokyo comme le rassemblement
des "havenots" (de ceux qui ne possèdent
rien) contre les "possédants". Dès le
14 août 1941, sur le navire de guerre
'Prince of Wales', CHURCHILL et
ROOSEVELT, chefs de nations "possédan-
tes", élaborent la 'Charte de l'Atlanti-
que' et projettent la 'Croisade contre
l'Europe' (une Europe menée par les
nations "pauvres" selon l'optique de
GREW), avant même l'entrée en guerre
des Etats-Unis. Cette rencontre fut
achevée par un service religieux où
la chorale entonna "Onward Christian
Soldiers" '. Quatre ans plus tard, les
"puissances de l'obscurité", en l'occuren-
ce l'Axe, sont défaites et c'est l'Union
Soviétique qui hérite de leur "mauvais
rôle", à la fois "totalitaire" et "pauvre
sur le plan financier". CHURCHILL
utilise, dans son discours anti-soviétique,
la même rhétorique et la même emphase
que dans son discours anti-hitlérien.
La Guerre Froide des années cinquante
tendait à bipolariser à l’extrême le
jeu politique international. Dans ce
jeu, les super -puissances estimaient
que qui n'était pas avec elles, était
contre elles. Le ministre américain
des Affaires Etrangères, John Foster
DULLES a résumé la situation en une
formule lapidaire: "Nous ne pratiquons
en Europe ni une politique allemande
ni une politique française. Nous y prati-
quons une politique américaine D'où
l'URSS a été obligéede pratiquer une
politique soviétique dans sa zone d'influ-
ence. D'autant plus, qu'aux yeux des
Soviétiques, les Etats-Unis pratiquent
une politique d'encerclement de leur
territoire par le truchement des Pactes
(OTAN, CENTO, SEATO). Cette politique
n'est plus celle du "roll-back", dont
l'exemple historique demeure la sanglan-
te guerre de Corée, mais celle du "con-
taminent", c'est-à-dire d'une défensive
qui "gèle" les processus de mutation
en cours dans le monde. Cependant,
l'option "roll-back" demeure sous-jacente
dans la pensée diplomatique américaine
qui, parfois, la juge plus "morale" vis-
à-vis des peuples "opprimés par l'URSS".
Face à ces stratégies, l'URSS cherchera
à se dégager de l'enserrement des
pactes. Comme le soulignait Indira
GANDHI, pour indiquer le cercle vicieux
de la bipolarité USA/URSS: "Lorsqu'on
pratique une politique d'encerclement
à l'égard de l'Union Soviétique, il ne
faut pas s'attendre à ce qu'elle ne
réagisse pas". Pour Indira GANDHI,
ce jugement ne s'applique pas seulement
à la situation d'avant I960 mais surtout
au rapprochement sino-américain depuis
NIXON.
A cause de la bipolarisation, le vocable
"neutralité" a progressivement acquis
une connotation péjorative. Après s'être
félicité du statut de neutralité de l'Autri-
che, DULLES, en 1956, définit la neutrali-
té comme une option fondamentalement
immorale. Ce jugement est exemplaire
du refus américain (du reste typiquement
"protestant" et "puritain") de toute
tierce voie. Les Soviétiques ont eu
tendance à réagir de la même manière,
surtout à l'égard des pays d'Europe
Occidentale. Les deux super-puissances
ressemblent, écrit D1WALD, au Cyclope
Polyphème: elles sont des géants qui
n'ont qu'un oeil.
Devant pareille insuffisance, face à
pareil monolithisme, vingt-cinq chefs
d'Etat et de Gouvernement se sont
réunis, en 1961 à Belgrade, pour forger
un nouveau principe à appliquer dans
les relations internationales: le non-
alignement. Cinquante-cinq pays se
sont déclarés neutres dans cette foulée.
Le monde s'est ainsi partagé en trois
groupes de pays: l'Ouest avec 104 1
millions d'habitants, l'Est avec 1008
millions et les "neutres" avec 903 mil-
lions. Cette conférence de Belgrade
ne s'est pas assignée un programme
rigide à appliquer mais, plus souplement,
une ligne 'de conduite: garder l’équi-
distance vis-à-vis des "puissances-mam-
mouths" et des blocs qu'eljes coagulent
autour d'elles, sans que cet éloignement
prudent et volontaire ne signifie un
désintérêt pour l'histoire, pour les
événements qui mettent le monde en
marche ou risquent de le précipiter
dans le désastre.
Ainsi, il n'est pas possible de confondre
"non-alignement" et "pacifisme", le
"non-alignement" n' impliquant pas un
refus des choses militaires. De surcroît,
le "non-alignement" n'exclut ni la possibi-
lité de se rassembler en coalitions
ni le libre choix du régime politique
intérieur. Parmi les Etats non alignés,
il y a, en effet, des monarchies et
des dictatures, des démocraties de
modèle occidental et des républiques
de style marxiste. Pour NEHRU, grand
initiateur du non-alignement, les idéolo-
gies universalistes, "libéralo-occidentales"
ou "marxistes/orientales", ne sont que
des facteurs de confusion. Il déclarait
à ce propos: "Je considère comme utile,
d’oublier le communisme et l'ant i-commu
nisme et de prendre en compte les
nations telles qu'elles sont". C'est
là un jugement de simple bon sens,
qui renoue avec les éléments fondamen-
taux de la politique pure, c'est-à-dire
une politique débarrassée des scories
idéologiques mondia I istes. Cet axe
paradigmatique ne s'est pas estompé,
maigre la pression des super-puissances.
Quant à la Chine, elle a d'abord joué
un rôle indépendant et constitué une
puissance détachée des blocs. Position
qui a sans doute séduit tous les maoïstes
de 1965 à 1974. DIWALD ne semble
ni redouter ni critiquer sérieusement
l'alignement sur Washington de l'actuelle
diplomatie chinoise. C'est le seul tout
petit point d'ombre de sa démonstration.
Pour la zone Pacifique, DIWALD es-
compte un rassemblement, autour d'un
Japon dés-américamsé, du "Club des
Cinq" (Thaïlande, Malaisie, Singapour,
Indonésie, Philippines). Certes, l'influence
américaine y est très importante, trop
importante peut-être pour qu’un glisse-
ment puisse s'opérer à court terme.
Mais, outre l'option américaine, les
Etats d'Extrême-Orient auraient grand'
peine, sans un pilier japonais autonome,
à se dégager des pôles chinois et russe,
ces derniers considérant l'Océan Pacifi-
que comme une de leurs zones naturelles
d'influence.
Mais cette multiplication des "centres
intégrateurs", qu'implique-t-elle pour
l'Europe ? C'est au cours de la Guerre
Froide que l'Europe a choisi, par le
truchement de ses politiciens libéraux
et démocrates-chrétiens, le camp atlan-
tiste avec, pour corollaire, son orienta-
tion géopolitique atlantique. Le Plan
Marshall a grandement contribué à
affermir cette option. Mais l'Europe
doit-elle rester à ce stade de son évolu-
tion historique, vieux de plus de trente
ans ? Charles DE GAULLE a contesté
ce blocage, en sortant de l'OTAN,
et révélé, ainsi, qu'il existait des inté-
rêts français et européens spécifiques
qui ne pouvaient s'exprimer dans le
contexte de cette dépendance mécanique
que l'Europe subit par rapport au systè-
me de Yalta. S'il est une tâche que
le Parlement de Strasbourg devrait
s'assigner, c'est bien de définir une
politique d'indépendance à l'échelle
continentale. Et de congédier une fois
pour toute la pensée politique engoncée
dans le mythe décrépit de l'Etat-Nation.
Cette Europe serait libre de pactiser
avec le ou les partenaire(s) de son
choix: monde arabe, USA, URSS, Tokyo,
New Dehli ou Pékin. Certes, DIWALD
se rend compte que cette orientation
est impossible actuellement tout en
étant nécessaire. Et les nécessités
ne nous interrogent pas sur nos envies
ou nos craintes. Si nous n'opposons
pas aux blocs une volonté, une volonté
de faire l'histoire, nous demeurerons
"grandeur opérative" pour les autres,
territoire de manoeuvres et de luttes
militaires pour les expériences stratégi-
ques atomiques d'autres puissances.
Cette perspective nous réduirait au
rôle de continent-mausolée, si, toutefois,
les autres peuples auront ce geste de
piété.
En résumé, une vaste vision historique,
à laquelle souscrit largement notre
rédaction: voilà ce que constitue Mut
zur Geschichte. DIWALD est un auteur
dont nous conseillons chaleureusement
la lecture.
V.G.
Hellmut DIWALD, Mut zur Geschichte,
Gustav Lübbe Verlag, Bergisch Gladbach,
1983, 253 S., 29,80 DM.
EVOLUTIONNISME ET CATHOLICISME
Les rapports entre pensée scientifique
et pensée religieuse n'ont que rarement
été étudiés en profondeur. Généralement,
ce sont les conflits, les oppositions
entre la sphère scientifique et la sphère
religieuse qui ont mobilisé l'attention
des érudits et des polémistes. Ce fut
vrai pour "l'affaire Galilée" comme
pour la question du darwinisme.
La France des dernières décennies
du XIXème et des premières du XXème
a été le théâtre d'affrontements idéologi-
ques qui reflétaient les espoirs, les
déceptions et les ambiguïtés de la pensée
d'alors, marquée par l'opposition entre
science et religion. Monseigneur d'HULST,
recteur de l'Institut Catholique de
Paris, indiquait, en 1885, la menace
qui pointait à l'horizon: l'affaiblissement
des idées religieuses. Pour d'HULST,
l' irréligion populaire dérivait de l'irré-
ligion des élites. L'objectif que devait
dès lors s'assigner l'Eglise était de
reconquérir les élites et cette reconquête
aurait eu ipso facto des répercussions
sur les masses. Le diagnostic de l'ecclé-
siastique était simple: les intellectuels
se détachent du christianisme à cause
des séductions des sciences et de l'his-
toire. Les sciences génèrent l'athéisme
car elles se passent de l'hypothèse
d'un Créateur. L'histoire, appliquant
aux faits humains l'idée d'évolution,
conclut à l'impossibilité du miracle
et à l'équivalence de toutes les reli-
gions. Monseigneur d'HULST estimait
donc qu'il fallait s'intéresser aux mêmes
domaines de l'esprit que les intellectuels
irréligieux, mais en changer les postulats
de base. Il fallait à d'HULST une philoso-
phie non-cartésienne, qu'un retour
Ci -dessus, Jean Baptiste de Lamarck
qui formula en 1809 la théorie du
transformisme , rejetant le dogme de
la fixité des espèces. Ci-contre, Pierre
Teilhard de Chardin qui parla, a propos
du mécanisme de l'évolution, d'un
"hasard dirigé" et d'un "gradualisme
linéaire ",
à Thomas d'Aquin lui procurait partiel-
lement.
Le catholicisme français s'est, sous
cette impulsion de d'HuIst, considérable-
ment^ transformé. D'abord, il y eut le
problème de l'évolution que les Catholi-
ques finirent par accepter. La science
comme la religion spéculaient, avant
DARWIN, sur l'immutabilité des espèces.
L'évolutionnisme impliquait, au contraire,
un abandon des absolus et de l'objectivité
(celle des dogmes fixistes). Un penseur
catholique et conservateur, Albert
de LAPPARENT, a cherché à sauver
les piliers de la science classique et
du christianisme traditionnel: la connais-
sance absolue, "l'objectivité", la vision
newtonienne du monde physique. Cette
entreprise s'est, on s'en doute, heurtée
à bon nombre de difficultés. Le monde
intellectuel catholique a alors adopté
une autre stratégie: celle de la sépara-
tion radicale des sphères religieuse
et scientifique. C'est l'axe fondamental
de l'oeuvre de Pierre DUHEM. Classé
"thomiste", DUHEM fut cependant
vigoureusement attaqué par les gardiens
de l'orthodoxie thomiste stricto sensu.
Auteur d'une histoire de la philosophie,
PARODI écrivit au sujet de DUHEM:
"Il semble que la révolution des idées
soit ici entière, radicale: par-delà trois
siècles de mécanisme cartésien, par-
delà la Renaissance, on s'aperçoit avec
stupeur que ce physicien catholique
(DUHEM) nous ramène jusqu'à la doctri-
ne scolastique des formes substantielles,
jusqu’à la physique d'Aristote et de
Saint Thomas" (1919).
Outre des études approfondies sur de
LAPPARENT et DUHEM, l'auteur de
The Edge of Contingency. Trench Catho-
lic Reaction to Scientific Change from
Darwin to Duhem, Harry W. PAUL,
pr' fesseur d’histoire à l'Université
de Floride à Gainesville (USA), brosse
un panorama très détaillé de l'intelligen-
ce française du XIXème, face aux défis
de la science.
La Weltanschauung religieuse et scientifi-
que du clergé du XIXème siècle postulait
la nécessité de l'hypothèse de Dieu
pour expliquer la création, l’ordre et
l'harmonie de l'univers, l'existence
de la vie et, plus spécialement, l'unicité
de l'homme. Par rapport au XVlIème
siècle, où les philosophes chrétiens
estimaient que la science avait généré
une arrogance intellectuelle conduisant
l'homme a préférer ses propres notions
au verbe inspiré de Dieu, la philosophie
cléricale va insister davantage sur
l'ordre, l'organisation du monde et
de la création, faits qui, selon son
optique, ne peuvent être fruits du hasard.
Ainsi, Pierre LECOMTE de NOüY affir
me que l'ordre de l'univers est incompré-
hensible sans l'hypothèse de Dieu et
que la nouvelle science, dont l'objet
est de "révéler" les structures profondes
de cet ordre, est, finalement, en accord
avec la vieille religion. En Allemagne,
Max PLANCK, avant de développer
sa théorie des quanta, et, en Angleterre,
Alfred North WH1TEHEAD pensaient
que les progrès de la science allaient
codifier les postulats de la religion
et leur donner une assise plus solide.
Mais l'idée statique d'un ordre sera
défiée par le darwinisme et la notion
d'évolution. En effet, avec DARWIN,
on passe d'une "histoire naturelle"
orientée vers la taxonomie à une biologie
évolutionniste basée sur le dynamisme
et la causalité. L'intelligence cléricale
ne pouvait, à cette époque, avaliser
ce monde mouvant postulé par l'évolution
nisme darwinien. Elle a opté pour "l'hypo-
thèse mosaïque", pour l'autorité des
Ecritures. Le philosophe qui illustre
parfaitement ces prises de position
anti-évolutionnistes est Guillaume-René
MEIGNAN, archevêque de Tours. Dans
ses écrits, MEIGNAN réaffirme l'anthro-
pologie biblique, l'unicité du genre
humain et lance attaque sur attaque
contre la vision darwinienne et la thèse
de la pluralité des espèces humaines.
Par ailleurs, MEIGNAN accuse la philoso-
phie des Lumières du XVIIIème siècle
d'avoir ressuscité le matérialisme épicu-
rien et s'insurge contre le fait que
le XIXème siècle n'ait rejeté ces théo-
ries crues pour ne leur substituer qu'un
"panthéisme sournois" dérivé de GOETHE,
SCHILLING et surtout HEGEL. En
matière scientifique, MEIGNAN se
référera au biologiste suédois Cari
LINNE qui, pourtant, avait été critiqué
par l'Eglise pour avoir classé l'homme
parmi les anthropomorphes.
Ce noyau doctrinal sera surtout véhiculé
par la "Société Scientifique de Bruxelles"
et les Instituts Catholiques de Paris
et de Lille. L'Université Catholique
de Louvain a, bien sur, joué un rôle
non négligeable dans la diffusion de
ces doctrines.
Le darwinisme était taxé d’absurdité
car il faisait dériver le "parfait” du
"non-parfait" ou, pire, du néant. Pour
l'intelligence catholique, l'homme connaît
Dieu et, de ce fait, se sépare radicale-
ment des autres "règnes" (minéral,
végétal et animal selon la classification
de de QUATREFAGES). La science
doit mener à cette "vérité" dont émane
la révélation, la religion. L'intelligence
catholique a visé une future symbiose
entre science et religion, dont l'oeuvre
de TEILHARD de CHARDIN constitue
le fleuron. Mais pour arriver à cette
symbiose, il fallait accepter bon nombre
d'implications de l'évolutionnisme.
Cette acceptation progressive sera
le fait d'une nouvelle génération de
philosophes catholiques.
Si l' an t i - évolutionnisme catholique
a d'abord occupé l'avant-scène des
polémiques françaises, il existait parallè-
lement un évolutionnisme catholique.
Celui-ci ne se manifestera ouvertement
qu'à partir des années 1880. Le Comte
BEGOUëN père, dans La Création évoluti-
ve (1879) avançait l'idée que le principe
de création n'était pas incompatible
avec la théorie de l'évolution. En tenant
compte de ce courant de pensée, il
est impossible de faire l'équation: pensée
catholique pensée anti-évolutionmste.
Une fois de plus, la polémique à propos
du darwinisme ne saurait être réduite
à un schéma manichéen. Le "salon"
de la famille Bégouën suggérait une
voie médiane, affirmant la possibilité
d'une évolution "dirigée" par Dieu.
BEGOUëN père estimait que les bases
de l'évolutionnisme se repèrent déjà
dans la Genèse et dans le "système
mosaïque". Les Catholiques devront
dès lors veiller à ne pas considérer
l'évolution comme une force aveugle
et brute mais comme l'action continue
de la volonté divine, logique et rationnel-
le.
Un autre scientifique catholique, Denys
COCHIN, affirmera qu'il existe une
évolution partielle, limitée au monde
vivant, mais que l'évolution "universelle"
est un non-sens. COCHIN, en plus,
se montre séduit par la croyance optimi-
ste en un progrès indéfini qu'il rencontre
chez DARWIN. C'est une aspiration
continue, écrit-il, vers la perfection.
Et il ajoute que si DARWIN nous offre
des singes comme ancêtres, il nous
promet que nous n'en auront pas comme
enfants. COCHIN démontre aussi que
le darwinisme n'exclut ni le principe
de cause finale ni l'idée d'un Créateur
et peut être interprété de façon à
confirmer l'un et l'autre.
Le dominicain LEROY accepte l'évolu-
tionnisme, tout en croyant aux "princi-
pes" des adeptes de la fixité des espèces,
et reconnaît l'action constante de la
divine Providence dans l'univers. L'émer-
gence de l'âme humaine s'est perpétrée
dans un corps préparé, au cours de
l'évolution, à cet effet. Rome met
les ouvrages de LEROY à l'index en
1895 '. Mais l'acceptation de l'idée
d'évolution était acquise, au sein de
l'intelligence catholique française.
Le Professeur Harry W. PAUL nous
dévoile toutes les méandres, toutes
les étapes de ce télescopage de la
théologie et de la biologie évolution-
niste. Nous apprenons ainsi comment
certaines théories organicistes et néo-
vitalistes allemandes, dont celles de
Mans DRIESCH (étudiées dès 1910 par
Jacques MARITAIN) ont eu un impact
dans la pensée catholique française
(et donc belge francophone). PAUL
évoque aussi l'oeuvre du Néerlandais
BUYTENDIJK et les avatars catholiques
du bergsonisme.
Son ouvrage est indispensable à qui
veut saisir l'essence d'un XIXème siècle,
finalement bien oublié de nos contempo-
rains.
M. F.
Harry W. PAUL, The Edge of Contingen-
cy. French Catholic Reaction to Scien-
tific Change from Darwin to Duhcm,
The University Presses of Florida (15
N. W. 15th Street / C.ainesville, Florida
32.603), 1979, 213 p., US$ 15,00.
Pendant deux décennies, depuis le
début des années cinquante jusqu'aux
années septante, les économies des
pays industriels d'Occident et du Japon
ont connu une croissance continue:
le boom. Les destructions causées
par la seconde guerre mondiale, l'expul-
sion de millions de personnes hors
de leur patrie et l'énorme besoin en
biens qui en a découlé d'une part,
le bien-être croissant de plus larges
catégories de la population, les innova-
tions techniques dans le domaine des
communications, l'émergence de l'in-
dustrie des loisirs d'autre part, ont
été les incitants majeurs de cette
haute conjoncture planétaire.
Quand le développement s'est interrom-
pu en 1973 avec la première crise
pétrolière, les experts et les hommes
politiques ont tous cru que les taux
de croissance négatifs et la montée
du chômage constituaient l'une de
ces récessions périodiques, typiques
du système d'économie capitaliste.
Ils espéraient que les vertus auto-curati-
ves du marché ou les mesures pour
favoriser la conjoncture, impliquant
l'aide des fonds publics, allaient remet-
tre l'économie mondiale sur pied.
Après dix années de stagnation, les
illusions se sont envolées.
Werner MEYER-LARSEN, chroniqueur
au Spiegel (Hambourg) et spécialiste
des questions économiques, énumère,
dans son ouvrage Ende der Nachfrage?
Ursachen der Weltwirtschaf tskrise,
les principales causes de la crise écono-
mique actuelle; elles sont au nombre
de neuf:
1) La croyance en un mirage idéologico-
philosophique, celui de la croissance
infinie. Pour MEYER-LARSEN, l'infini,
en ce domaine, n'existe pas. Mais
toutes les idéologies économiques,
véhiculées par les partis politiques
et les systèmes religieux désuets,
propagent dans la société ce mirage
de l'infini, héritier de l'infinitude
divine de la théologie. Appuyant sa
démonstration sur les thèses de ROSTOW,
SCHUMPETER et KONDRATIEV (e.a.),
Werner MEYER-LARSEN critique
le blocage mental qui dérive d'une
fausse interprétation de l'histoire,
interprétation messianique qui voit,
dans les taux élevés de croissance,
la preuve d'un salut, d'une récompense
divine.
2) La faiblesse dans l'innovation avait
déjà été prévue par SCHUMPETER
qui estimait que les découvertes techni-
que déterminaient la marche de l'écono-
mie. Elles étaient en étroite relation
avec les cycles conjoncturels; la montée
d'une nouvelle technique enclenche
un processus nouveau, tandis que les
techniques anciennes ne produisent
plus ni bénéfices ni profit et que les
entreprises basées sur ces anciennes
techniques entrent en crise. C'est
un processus redevenu très actuel:
les anciennes structures industrielles
(sidérurgie, etc.) n'offrent plus autant
de potentialités que, par exemple,
les micro-processeurs ou la bio-technolo-
gie. De plus, l'Europe n'investit que
fort peu de capitaux dans les nouvelles
technologies au contraire du Japon,
de l'Asie du Sud-Est et des Etats-
Unis.
3) Les capitaux sont rares: il y a peu
ou il n'y a pas d'argent et trop de
dettes. Les pays du Tiers-Monde ne
peuvent plus payer leurs dettes. Le
système bancaire occidental a investi
à fonds perdus dans les pays du Tiers-
Monde. Ces sommes colossales sont
bloquées et manquent cruellement
aux circuits conventionnels de capitaux.
Cette situation engendre la hausse
vertigineuse des taux d'intérêt; ce
qui bloque davantage encore ceux
qui font usage de crédits. Les machines
économiques des nations tournent
pour payer les intérêts, plus pour
accroître la force industrielle et vitale
des peuples.
4) La surproductivité découle de l'auto-
matisation qui limite la quantité de
travail salarié. L'automatisation postule
donc une réorganisation du travail
au sein de toutes les sociétés. Or cette
réorganisation qui, selon MEYER-LAR-
SEN, implique aussi une diminution
du temps de travail voire un assouplis-
sement des horaires, ne correspond
pas aux schémas conceptuels du patro-
nat actuel puisqu'elle exige la création
d'un capital propre, quasi patrimonial.
Nous vivons dès lors un paradoxe:
celui d'une société intelligente sur
le plan technique qui refuse de se
donner une intelligence sociale adaptée
aux mutations technologiques.
5) Les écoles néo-libérales condamnent
les politiques sociales et les accusent
de "provoquer des catastrophes en
voulant le bien". Certes, les politiques
sociales ont connu des abus flagrants
et généré un "profitariat généralisé".
9
Elles ont pourtant fonctionné quand
il y avait plein emploi et rentabilité
maximale du travail presté. Mais ce
"bonheur", ce "bien-être" planifiable
ont dissous les solidarités spontanées
et créé le grand anonymat actuel.
Puisque les institutions étato-caritatives
existaient, les solidarités naturelles
n'étaient plus nécessaires. Dès lors,
la notion même de solidarité s'est
estompée et a disparu et les institu-
tions d'aide sociale n'ont plus été
sollicitées que par pur intérêt. Ainsi
s'est instauré un esprit revendicateur
aux conséquences pernicieuses. Malgré
la crise économique et la stagnation,
les revendications ont été satisfaites.
De là, un déséquilibre qui a accentué
le marasme.
6) La sixième cause de la crise, MEYER-
LARSEN la perçoit dans le centralisme
des politiques technologiques et énergéti-
ques. Ce centralisme impose d'autorité
ses conceptions et dispose de fonds
quasi inépuisables. D'autres potentiali-
tés se voient ainsi refoulées.
7) La technostructure planétaire (C.AL-
BRAITH) étouffe les diversités et
réduit ipso facto le marché de l'emploi
par forte concentration. Mêmes chaînes
d'hôtels, mêmes "boîtes à bouffe"
(sic) d'Honolulu au Cap et du Cap
à Oslo (Mac Donald, etc.). Finalement,
l'industrie du charbon et de l'acier,
la chimie, la construction automobile,
la vente en masse de hamburgers
sont concentrées dans les mains d'organi-
sations gigantesques qui créent une
"culture économique" universelle et
sans racines. Les "gourous" de ces
"politburos" marchands tablent sur
des constantes anthropologiques socié-
taires (et non communautaires) fixes,
imperméables et insensibles à toute
mutation. Non révolutionnaires mais
médiocrement "évolutionnaires", ces
fixismes bloquent le changement global
de société dont nous avons un besoin
urgent. Des milliards sont investis
pour préserver l'emploi d,ans ces appa-
reils atteints d'éléphantiasis. Ces
appareils interdisent toute circulation
normale des compétences et des talents
en Occident.
L'innovation n'est pas une nécessité
vitale pour ces firmes. L'intelligence
leur est donc un défi.
8) Les économistes professionnels
sont de "faux prophètes", écrit MEYER-
LARSEN, qui refusent de reconnaître
les vraies causes de la crise. C'est
la fascination qu'exercent, sur eux,
les dogmes économiques du passé...
9) Selon Werner ME YER-LARSEN,
l'impérialisme militaire est un trop
grand dévoreur de budgets.
Ces neuf facteurs de crise, doivent-
ils nous faire conclure à une décadence
irrémédiable ou à une phase transitoire
difficile ? Ce dilemme est classique
dans l'histoire du capitalisme. Lors
des trois grandes crises (1879/1929/
1979), on s'est posé cette question.
Nous vivons peut-être une de ces
crises périodiques du capitalisme.
Quoi qu'il en soit, MEYER-LARSEN
conclut: "La haute conjoncture des
trois dernières décennies était plutôt
une évolution économique anomale.
11 s'agit aujourd'hui de prendre congé
de la fiction d'une croissance infinie".
Un livre d'actualité économique qui
a le grand mérite de puiser aux sources
des théories économiques non dogmati-
ques: SCHUMPETER, JUGLAR, SOM-
BART, etc. et de ne pas succomber
aux séductions tapageuses du néo-libé-
ralisme, plus publicitaire qu'intelligent.
G.C.
Werner MEYER-LARSEN, Ende der
Nachfrage ? Ursachen der Weltwirt-
schaftskrise, C. Bertelsmann Verlag,
München, 320 p., DM 34.
K U R T von SCHLEICHER , DERNIER
CHANCELIER DE WEIMAR
Le général Kurt von Schleicher.
En janvier 1983, la presse a évoqué
le cinquantenaire de l'accession de
HITLER au pouvoir. En juin 1984,
celui de la "Nuit des Longs Couteaux"
où HITLER élimina ROEHM, STRASSER,
JUNG et le dernier chancelier de
la République de Weimar, Kurt von
SCHLEICHER. Jusqu'ici aucune biogra-
phie de ce personnage controversé
n'avait été écrite. L'historien Friedrich-
Karl von PLEIIWE comble cette lacune.
Les jugements portés sur SCHLEICHER
divergent: louanges exagérées, médisan-
ce déplacée, glorification, suspicion
de haute trahison, etc. Le qualificatif
le plus communément attribué au
général-chancelier fut celui d'"intr igant".
Cinquante ans après sa mort, il convient
de cerner avec la plus grande exactitu-
de possible le rôle politique que SCHLEI-
CHER a joué en cherchant à former
une coalition contre HITLER, transcen-
dant les clivages politiciens convention-
nels.
Quel fut l’itinéraire de SCHLEICHER?
En 1919, pour la première fois dans
l'histoire militaire allemande, se crée
un service "des affaires de politique
intérieure et de politique militaire",
le "Gruppe III", qui sera confié à SCHLEI-
CHER. L'Allemagne de 1919 constituait,
du point de vue militaire, un vide
au centre de l'Europe. Réduite à 100.000
hommes, l'armée allemande aurait
dû pouvoir disposer, selon le Général
von SEECKT, commandant en chef
de la Reichswehr, d'au moins 300.000
hommes pour défendre ses nouvelles
frontières. SCHLEICHER devait, quant
à lui, entretenir des relations suivies
avec des fonctionnaires d'autres ministè-
res et des représentants des partis
politiques mais il évitait les commu-
nistes. D'où, si SEECKT souhaitait
une armée imperméable à la politique,
SCHLEICHER voulait éviter que la
Reichswehr devienne "un Etat dans
l'Etat". Les soldats ne devaient pas,
selon lui, être coupés des réalités
contemporaines. Les officiers devaient
connaître les problèmes économiques
et sociaux.
En politique extérieure, von SEECKT
voulait une ouverture à l'Union Soviéti-
que et une coopération étroite entre
les états-majors de la Reichswehr
et de l'Armée Rouge. SCHLEICHER
avait quelques réticences à l'égard
de l'orientation diplomatique de son
supérieur hiérarchique. Il redoutait
moins la France et estimait que toute
collaboration avec les puissances occi-
dentales n'était pas à exclure. Les
plans de SEECKT impliquaient une
politique dure et sans compromis vis-
à-vis de la Pologne, puissance ennemie
et de la Russie et de l'Allemagne;
pour SEECKT, la Pologne est le pilier
central de la politique française en
Europe Orientale. Si une "guerre de
sanction" contre l'Allemagne, menée
conjointement par les Français et
les Polonais, se déclarait, Varsovie
devait savoir qu'elle aurait alors "les
Russes dans le dos". Le pessimisme
de SEECKT en ce qui concerne la
France était juste: quatre mois après
son rapport, les divisions françaises
occupaient la Rhénanie et la Pologne
ne bougeait pas.
Le chancelier WIRTH soutenait la
position de SEECKT. EBERT, en revan-
che, restait plutôt sceptique. Pourtant,
SEECKT ne voulait pas d'une alliance
militaire formelle avec la Russie;
il ne souhaitait qu'une collaboration
militaire et industrielle, impliquant
1) la construction d'une usine aéronauti-
que, d'une usine chimique produisant
des gaz asphyxiants et d’une fabrique
de munitions d'artillerie et 2) la créa-
tion d'un centre de formation pour
pilotes militaires allemands, d'une
école pour l'utilisation militaire de
gaz et d'une école de chars à Kazan.
Ces institutions ont fonctionné sans
heurts jusqu'en 1933.
Mais l'ère Rapallo n'a duré que de
1932 à 1924. Gustav STRESEMANN.
qui prend alors la fonction de ministre
des Affaires Etrangères, cherche la
réconciliation avec l'Ouest, particulière-
ment avec la France. Pour ce faire,
il s'efforcera de satisfaire les exigences
françaises en matière de "réparations"
et en matière de sécurité. C'est l'objec-
tif majeur de l'"Erf üllungspolitik"
(la politique qui vise à satisfaire les
clauses de Versailles), qui sera combat-
tue avec vigueur par les partis de
droite et par les communistes. En
somme, ce programme de STRESEMANN
est diamétralement opposé à celui
de SEECKT. SCHLEICHER, quant
à lui, se montre disposé à accepter
cette politique d'ouverture à l'Ouest,
tant qu'elle ne nuit pas aux bonnes
relations avec Moscou.
L'année 1924 est aussi celle du Plan
Dawes. Charles DAWES, un financier
américain, proposa à Londres de modu-
ler le paiement par l'Allemagne des
réparations imposées par Versailles.
La modulation suggérée permettait
à l'économie allemande de reprendre
du souffle et donc, en fait, d'honorer
plus facilement et plus sûrement ses
dettes. Les communistes et les conserva-
teurs ( du Deutsch-vôlkische Freiheits-
10
10
partei/DVFP et du Deutschnationale
Volkspartei/DNVP) rejettent le Plan
Dawes comme un "second Versailles".
Le DNVP conservait toutefois en son
sein une minorité favorable au Plan.
SEECKT et SCHLEICHER pensaient
que seule l'acceptation du Plan Dawes
éviterait une nouvelle dissolution du
Reichstag. Depuis cette affaire, SCHLEI-
CHER a été considéré comme faisant
partie des politiciens favorables à
l'Erfüllungspolitik.
La rupture entre les deux militaires
s'accomplit lorsque SEECKT demande
au lieutenant-colonel SCHLEICHER
de soutenir sa candidature à la présiden-
ce de la République. SCHLEICHER
pensait qu'aucune puissance étrangère
n'accepterait SEECKT comme interlocu-
teur, l'Union Soviétique excepté. Entre-
temps, STRESEMANN poursuit sa
politique d'ouverture à l'Ouest. En
automne 1925, les délégués britanniques,
français, italiens, belges, polonais
et tchèques rencontrent STRESEMANN
à Locarno. Le traité de Locarno est
signé le 1 décembre 1925 et suscite
un vague de remous en Allemagne.
Les "Deut schnationalen" rejettent
le traîté et quittent le gouvernement
car ils refusent d'accepter l'abandon
définitif de l'Alsace par l'Allemagne,
la garantie par cinq puissances de
la frontière franco-allemande et la
démilitarisation de la Rhénanie. Cette
politique occidentale n'exclut pas
l'héritage de Rapallo; les relations
amicales entre l'Allemagne et la Russie
se poursuivent.
Les conceptions de SEECKT passeront
progressivement à l'arrière-plan. L'ar-
mée se politisera de plus en plus sous
l'impulsion de SCHLEICHER et finira
par se noyer dans l'imbroglio politique
de Weimar. C'eut été impossible avec
SEECKT.
En février 1929, des experts internatio-
naux se réunissent à Paris pour discuter
des modalités d'une révision du Plan
Dawes. C'est un banquier américain
qui préside la conférence, Owen YOUNG.
Dans l'affaire du "Plan Young" qui
succéda à ces pourparlers, SCHLEICHER
n'adopte aucune position tranchée.
Adolf HITLER, en revanche, saisit
l'occasion pour lancer son parti dans
une lutte où l'enjeu, pour la majorité
des Allemands, est clair: pas d'esclavage
éternel 1 Rien ne doit renforcer Ver-
sailles 1 En conséquence, les bureaux
d'information de la Reichswehr devaient
désormais tenir compte du facteur
NSDAP. Le parti de HITLER voulait
que des mesures efficaces et concrètes
pour la défense du pays soient prises
et exaltait la figure du combattant
mais, en même temps, manifestait
une réserve marquée à l'égard de
l'esprit de caste des officiers. HITLER,
personnellement, affichait son mépris
pour la direction d'une armée, complice
d'un régime "pourri et méprisable".
En somme, la NSDAP présentait un
curieux mélange de thèmes positifs
et négatifs pour les militaires. Le
Général GROENER, devenu ministre
de la Reichswehr, et SCHLEICHER
décident en conséquence de demeurer
vigilants à l'encontre d'éventuelles
provocations national-socialistes. Tels
étaient les rapports entre la Reichswehr
et la NSDAP en 1929.
Représenté par douze députés, la NSDAP
rejette, de concert avec les commu-
nistes et les "Deutschnationalen" de
HUGENBERG, le Plan Young, prévoyant
le paiement de 34,5 milliards de marks-
or sur une période de 59 ans. L'Alle-
magne entre dans une période difficile.
SCHLEICHER jouera un rôle de tout
premier plan dans les intrigues, les
bouleversements de cette époque trou-
blée. La personnalité de SCHLEICHER
reflétait un fatalisme étonnant rehaussé
d'un zeste d'optimisme qui le poussait
à accomplir ses actions, à faire et
à défaire politiciens, chanceliers et
ministres.
PLEHWE voit en SCHLEICHER la
dernière chance de Weimar. Après
avoir abandonné son protecteur GROE-
NER, après avoir hissé BRüNING au
poste de chancelier pour ruiner ensui-
te son crédit auprès de HIND!"" 7 BURG,
après avoir fait gouverner BRüNING
avec un cabinet hétéroclite composé
de "barons" et de technocrates sans
appui populaire, après avoir misé sur
PAPEN pour le laisser tomber, après
avoir fait miroiter à HITLER le poste
de chef de gouvernement et trahi
cette promesse, SCHLEICHER a cherché
à désagréger la social-démocratie
en appuyant les syndicats contre l'appa-
reil cju parti et à rompre la cohésion
de la NSDAP en s'alliant avec Gregor
STRASSER. En tentant de monter
contre HITLER, vainqueur incontesté
des élections du 31 juillet 1932, un
"front" regroupant syndicalistes socia-
listes et dissidents de la NSDAP, SCHLEI-
CHER s'est attiré l'inimitié des nazis
comme des sociaux-démocrates, tout
en perdant la confiance des politiciens
issus de son milieu militaire et aristo-
cratique.
PLEHWE tente de justifier la politique
de SCHLEICHER. Le plan du général-
chancelier, selon l'historien britannique
John W. WHEELER-BENNET (I), était
de gouverner au moyen du fameux
article 48 de la Constitution de Weimar
qui permettait au Président du Reich
de gouverner seul quand la "patrie
était en danger". L'article 48 aurait,
par la suite, été modifié de façon
à imposer un gouvernement autoritaire
et stable. SCHLEICHER voulait donc
un régime présidentiel éloigné du "ma-
rais" démocratique et parlementaire,
ce régime présidentiel serait appuyé
par l'armée; éliminerait la social-démo-
cratie de la vie politique; dissolverait
le Parlement, le temps de rédiger
une nouvelle constitution, prévoyant
une représentation corporative et
syndicale.
SCHLEICHER était d'abord décidé
à réaliser ce projet avec l’aide des
forces conservatrices, de la DNVP
et de la NSDAP. Au sein de la NSDAP,
il s'agissait de privilégier les éléments
les plus conservateurs, de les faire
entrer au gouvernement et de neutrali-
ser les SA en les incluant dans la
Reichswehr, ce qui les déliait de leur
serment au "Führer". HITLER aurait
été ainsi isolé et rendu inoffensif.
Ce n’est qu'ultérieurement que SCHLEI-
CHER tentera de s'appuyer sur la
gauche.
En vue de réaliser ce projet, SCHLEI-
CHER avait besoin d'un organe de
presse. Dès 1929, il entre en contact
avec Hans ZEHRER, éditeur de la
revue Die Tat. Autour de ZEHRER
gravitaient une demi-douzaine de colla-
borateurs, le Tatkreis. Ce groupuscule
ne voulait adhérer à aucun parti politi-
que et se bornait à contester le traité
de Versailles et les institutions de
la République de Weimar. Sur le plan
théorique, le Tatkreis luttait contre
le capitalisme, le libéralisme, prô-
nait l'abolition du parlementarisme
et la souveraineté inconditionnelle
de l'Etat. ZEHRER se réfère à SOREL,
PARETO, SCHMITT, SOMBART, SPENG-
LER, etc. Lui et ses amis voulaient
instaurer une "démocratie nationale"
quitte, pour ce faire, à passer par
un intérim dictatorial. ZEHRER, curieu-
sement, vit en SCHLEICHER l'homme
capable de réaliser ce programme
Avec les fonds du ministère de la
Reichswehr, SCHLEICHER finança
la création d'un nouveau quotidien,
le Tagliche Rundschau, dont ZEHRER
devint le rédacteur en chef. En juillet
1932, cependant, ZEHRER critique
férocement la nomination de von PAPEN
à la chancellerie, favorisée par SCHLEI-
CHER. ZEHRER accusait von PAPEN
de vouloir gouverner sans l'assentiment
populaire. SCHLEICHER, furieux,
coupe aussitôt les fonds qui alimentaient
le journal. Mais perd, en meme temps,
sa seule tribune dans la presse.
Les échecs successifs de SCHLEICHER
en 1932 et en janvier 1933 donneront
la victoire finale à HITLER. SCHLEI-
CHER s'était finalement isolé, perdant
les soutiens de PAPEN, pourtant décidé,
lui aussi, à "neutraliser" le Führer
de la NSDAP, et de HINDENBURG
qui tenait le "caporal bohémien" en
piètre estime. PAPEN, pour briser
l'irrésistible ascension du nazisme,
voulait organiser un coup d'Etat avec
les 60.000 hommes de la police de
Prusse. SCHLEICHER ridiculise ce
projet et déclare que jamais les soldats
de la Reichswehr ne tireraient sur
le peuple. Après cela, STRASSER hésite,
le syndicaliste LEIPART et le SPD
BREITSCHEID retirent leurs épingles
du jeu. HINDENBURG se lasse des
changements d'attitude de SCHLEI-
CHER qui, du coup, perd toutes ses
chances. PAPEN est alors contraint
de dialoguer avec HITLER. FRANçOIS-
PONCET, ambassadeur de France
à Berlin, Ernst NIEKISCH, chef de
file des "nat lonaux-bolchévistes" et
l'historien anglais John W. WHEELER
BENNET écriront des mots très durs
à propos de l'amateurisme et des
intrigues de SCHLEICHER. Et pourtant,
les idéaux, les fonctions, les itinérai-
res de ces trois hommes divergent
considérablement. En juin 1934, lors
de la purge sanglante qui élimina Ernst
ROEHM et les principaux chefs de
la SA, HITLER, BORMANN et GOERING
se souviennent des fausses promesses
de SCHLEICHER, vieilles de deux
ans, et de sa tentative de rompre
la cohésion de la NSDAP en se rappro-
chant de STRASSER. SCHLEICHER
est assassiné.
Son erreur fut de vouloir une politique
dictatoriale "centriste" alors que la
crise de 1929 avait orienté les masses
vers le radicalisme, les avait amené
à vouloir un bouleversement total
des structures sociales existantes.
Au fond, les derniers mois de Weimar
révèlent une lutte âpre entre plusieurs
dictateurs potentiels, dont SCHLEICHER
et HITLER. C'est ce dernier qui l'empor-
tera. Les partis de gauche, et surtout
la SPD, se voyaient sommés de choisir
entre une dictature militaire classique,
de tendance conservatrice, et une
dictature d'un genre nouveau, celle
de HITLER. Leur électorat a choisi
11
11
Cette carte , extraite du livre de Josef Strzygowski , Aufgang des Nordens, nous montre
les trois grandes zones du globe où naissent trois types d'art bien différenciés: le Sud ,
le Milieu et le Nord. Négligé par la recherche , le Nord, que veut réhabiliter Strzygowski,
se subdivise à son tour en trois courants: l'indo-européen , l'atlantique et l'amérasia tique.
la NSDAP, à ses yeux plus "sociale".
C'est sans doute ce qui explique les
appels au calme lancé par les perma-
nents de la 5PD, le 30 janvier 1933
et le désintérêt des milieux de gauche
pour l'attentat du 20 juillet 1944.
SCHLEICHER tué, la Reichswehr
ne proteste même pas et le régime
accuse le dernier chancelier de Weimar
d'avoir entretenu des rapports suivis
avec l'Etat-Major français et avec
FRANçOIS-PONCET. Celui-ci dément.
Mais la propagande de C.OEBBELS
a pu interpréter à son profit 1) l'hostili-
té que, dix ans auparavant, SCHLEI-
CHER manifestait à l'encontre des
projets anti-occidentaux de SEECKT
et 2) le jugement favorable qu'il portait
sur le francophile STRESEMANN.
M.F.
Friedrich-Karl von PLEHWE, Reichs-
kanzler Kurt von Schleicher, Weimars
letzte Chance gcgcn Hitler, Bechtle
Verlag, München, 1983, 331 p., DM
39.
(1) Cf. John W. WHEELER-BENNET,
Die Nemesis der Macht. Die deutsche
Armee in der Politik 1918-1945 , Band
l, Athenaum/Droste , Konigstein/Ts,
1981.
LES THESES DE L'ARCHEOLOGUE
JOSEE STRZYGOWSKI
Qui se souvient de Oosef STRZYGOWSKI
(1862-1941) ? Qui le connaît encore?
Originaire de la Galicie austro-hongroi-
se, germanophone, STRZYGOWSKI
est un spécialiste de l'histoire de l'art
dans l'Antiquité. Sa thèse la plus origi-
nale a été de réfuter le "point de
vue humaniste centré sur l'espace
méditerranéen". Professeur à Vienne,
STRZYGOWSKI a eu l'occasion de
défendre ses thèses en Grande-Bretagne,
en Suède, en Finlande, aux Etats-Unis
(à l'invitation de l'Université de Har-
vard) et à la Sorbonne à Paris, où
séminaires et conférences furent,
par la suite, organisées sur la base
de ses recherches.
La thèse principale de STRZYGOWSKI
est celle des trois "zones d'art" qui
se partagent la planète. Ces trois
zones ne sauraient être confondues.
Il y a d'abord la zone "méditerranéen-
ne" qui avait été plus ou moins la
seule, au temps de STRZYGOWSKI,
à avoir été étudiée à fond. Ensuite,
il y a la zone équatoriale, avec l'Afrique
et l'art de ses tribus noires, l'Océanie
et l'Amérique du Sud. L'étude de cet
art-là, l'époque coloniale l'a laissée
à l'ethnographie. La troisième zone
est la zone septentrionale. C'est celle
qui a été la plus négligée par l'érudi-
tion.
C'est la zone équatoriale, le "Sud"
selon la terminologie adoptée par
STRZYGOWSKI, qui est vraisemblable-
ment la plus ancienne. Le climat tropi-
cal, équatorial, de cette région du
globe n’a pas favorisé l'éclosion d'un
habitat sophistiqué, protection contre
les rigueurs du climat ailleurs dans
le monde. L'habitat ne s'est pas révé-
lé, là, nécessité de premier plan.
En revanche, l'art plastique des popula-
tions africaines et équatoriales révèle
une extraordinaire constance depuis
le paléolithique et nous dévoile des
scènes de chasse, des sujets animaliers
et de remarquables figures féminines
en état de grossesse.
La zone septentrionale, en Eurasie,
part des Alpes et s'étend à toute la
plaine eurasiatique jusqu'au pôle. Elle
englobe également l'Amérique du Nord.
Contrairement aux habitants du "Sud"
tropical et équatorial, ceux du Nord
doivent affronter un climat rigoureux
qui exige le port de vêtements et
la construction d'habitations de bois,
matériel "organique" soumis aux vicissitu-
des destructrices du climat et laissant
peu de traces pour l'archéologie. STRZY-
GOWSKI constate l'absence de représen-
tations humaines dans cet art. Pour
cette zone septentrionale, l'art n'est
jamais une simple imitation de la nature
mais une perpétuation de la création
au départ d'une identité spécifique.
L'art ne dévoile pas un monde fait
de pure extériorité mais un monde
issu de la représentation, passé par
l'intermédiaire d'une intelligence qui
reconnaît les lois du cosmos.
De là découle une conception de la
liberté où l'homme demeure créateur
tant qu'aucune puissance coercitive
n'intervient. La zone du "milieu",
méditerranéenne, ne révèle pas un
art qui est dialogue entre l'homme
et la nature (ou, plutôt, le cosmos);
elle «1 l'art de "l’homme de puissance"
(Machtmensch). Un type humain qui
exerce son autorité sur des serviteurs
ou des croyants et croit pouvoir soumet-
tre la nature à sa volonté. Dans toute
l'histoire de l'art, seul cet art a été
considéré comme art "supérieur". C'est
l'art de Rome, de l'Eglise Catholique,
etc.
STRZYGOWSKI veut découvrir cet
art septentrional qu'il divise en trois
grands courants (cf. carte). D'abord,
le courant indo-européen (indogerma-
nisch selon la terminologie allemande),
où l'homme n'est pas le centre de
la création mais en constitue une part
infime et modeste. L'art du début
du christianisme, écrit STRZYGOWSKI,
montre encore ce souci d'inclure les
scènes humaines et religieuses dans
un décor animalier, fantasmagorique,
géométrique ou végétal.
L'art de l'Arménie et de l'Iran anciens
constitue un exemple très frappant,
presque idéaltypique, de cette attitude
devant le cosmos. Le christianisme
en tant que doctrine, que système
philosophique va encourager un abandon
de cette harmonie cosmique. En revan-
che, l'Islam va puiser dans la tradition
vieille-iranienne et produire, en dehors
du domaine artistique, une pensée
mystique, proche, en maints aspects,
du mysticisme "panthéiste" d'un Meister
ECKEHART ou d'un RUUSBROEC.
Ensuite, il y a le courant atlantique
qui, selon STRZYGOWSKI, aurait donné
naissance, après quelques avatars,
à la Machtkunst (l'art de puissance).
Et, enfin, le courant amérasiatiquc.
La thèse globale de STRZYGOWSKI
est une sorte de théorie dif fusionniste.
Ce serait à partir de l'Iran que l'art
de la Méditerrannée (le vrai, pas celui
qui exalte une puissance arrogante
et illégitime) aurait été influencé.
Mais l'Iran de STRZYGOWSKI combine
les traditions les plus anciennes de
la steppe et des Indo-Européens, héri-
tiers d'immigrants anciens venus d'Euro-
pe après avoir transité dans la steppe.
Mais cette matrice septentrionale
s'est tarie en Occident depuis Charle-
magne et depuis la Renaissance. Les
élites ont été fascinées par la Macht-
kunst, par l'esprit autoritaire "anorgani-
que" qui s'en dégageait.
STRZYGOWSKI nous propose donc
une dynamique, une dialectique de
l'histoire de l'art qui réhabilite l'art
du Nord de l'Europe, celui de la steppe
(Scythes, Sarmates, etc.) et celui de
l'Iran Ancien, où le respect de la nature
est omniprésent. Il y a là matière
à réflexion.
G.C.
Josef STRZYGOWSKI, Aufgang des
Nordens, Lebenskampf eines Kunstfor-
schers um ein deutsches Weltbild,
Faksimile-Verlag (Postfach 10 14 20,
D-2800 Bremen 1), Bremen, 1983 (Re-
print), 138 p., 20 ill., 17,30 DM.
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Au sommaire de ce numér o (150 FB):
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2) L'occident, concept polémique,
par Robert STEUCKERS. 3) La notion
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5) Friedrich List, une alternative au
libéralisme, par Thierry MUDRY. 6)
Contestation du libre-échangisme,
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européenne, par Guillaume PAYE.
8) Nationalisme et démocratie au XIXè-
me siècle, par Ange SAMPIERU. 9)
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datsch, histoire d'une revue satirique
berlinoise, par Luc NANNENS.
Le numéro trois de L'Anneau est égale
ment sorti de presse '.
Au sommaire de ce numéro (120 FB):
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Pierre KREBS. 2) Le "Mal" dans la
cosmogonie de Tolkien, par Ralf Van
den HAUTE. 3) Héritage européen
(Même partie), par Janus MEER BOSCH.
3) Où va la révolution ?, par Luca
NICCHI. 5) Beowulf, par Julienne MAR
TENS-MALENGREAU. 6) La fonction
des runes, par Gérard THIEMMONGE.
Une brochure à lire impérativement
(Cf. la recension de Serge HERREMANS
dans ce numéro de Vouloir) : Met Walen
land en de Ncderlandcn, par Maurits
CAILLIAU. P armi les chapitres de cet
ouvrage: Belgische begripsverwarrmg,
Gemeenschappelijk verleden, Rijkdom
der verscheidenheid, De emmigratie
in cijfers, Lotsvei bondenheid, llisto
rische terugblik, De Belgische revolutie:
1830, Beknopte bibliograf le, etc.
Prix de la brochure: 100 FB . 20 FB
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Le numéro six de Mjôllnir, la revue
de l'Orde der Eeuwige Wedorkeer
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Au sommaire du numéro:
De levensreligie van Nietzsche, De
Vôlundsagc (H. J. VER WE YEN), Aardes
Levend Lichaam (Mellie UYLDERT),
Het Nibclungenepos (K lara D'HULSTER),
Vrijmetselar ij: Kwaal of C.eluk (Koenraad
LOGC.HE), Richard Wagner (Geer t
LOGGHE), etc.
Prix de ce numéro: 100 FB i 20 FB
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Georges OLTRAMARE, Les souvenirs
nous vengent, Genève, 1956.
Dans ce recueil de souvenirs, l'ancien
chef du mouvement nationaliste suisse
évoque Léon Daudet, Léon Degré Ile,
Céline, Otto Abetz, son tête à tête
avec Mussolini, l'armistice, le Paris
occupé, la libération, "Sigmarmgen
ou le Coblence des purotins", Albert
Paraz, Robert Le Vigan, Henri de
Keyserling, Abel Bonnard, Raoul Folle-
reau, Gonzague de Reynold, etc.
Prix de ce livre: 250 FB port compris.